L’archivage fait partie de l’ADN des notaires et reste un enjeu majeur pour les notaires qui sont tenus de conserver de nombreux documents juridiques pendant plusieurs décennies. Alors que ces archives ont traditionnellement été stockées sur papier, l’essor du numérique offre de nouvelles perspectives pour leur gestion. Aujourd’hui, les notaires sont confrontés à des défis tels que le manque d’espace physique pour stocker les documents, la nécessité d’un accès rapide et facile aux informations, ainsi que la protection de la confidentialité des données.
Dans cette optique, de nombreuses études notariales ont entrepris de numériser leurs archives, ce qui leur permet de stocker et d’accéder aux documents plus facilement et rapidement, tout en réduisant leur empreinte carbone. De plus, l’évolution de technologies telles que l’IA et la blockchain, offre des perspectives prometteuses pour améliorer la gestion des archives notariales et renforcer leur sécurité.
Dans cet article, nous examinerons l’état actuel de la gestion des archives chez les notaires en nous appuyant sur des chiffres clés, puis nous explorerons les perspectives futures offertes par les technologies numériques.
La gestion des archives chez les notaires : chiffres clés
En France, on dénombre environ 17 315 notaires répartis sur tout le territoire. Chaque année, ils produisent des millions de pages d’actes et de contrats qu’ils doivent conserver dans leurs études.
Quelques chiffres à fin 2021 :
- 5,5 millions d’actes établis
- 20 millions d’actes sur support électronique (AAE)*
- 22 800 nouveaux PACs enregistrés
- 1,2 million d’actes de vente de logement anciens
- 436 000 nouvelles inscriptions au FCDDV
* Le 1er Acte authentique à distance a été signé en octobre 2008.
Fin 2021, ce sont plus de 90 % des actes authentiques qui étaient signés électroniquement, soit 20 millions d’AAE déposés dans le Minutier Central Électronique des Notaires de France (Micen)
Les contraintes réglementaires en matière de conservation des archives :
Les notaires sont soumis à des obligations réglementaires strictes en matière de conservation des archives. Ainsi, les actes relatifs à la propriété immobilière doivent être conservés pendant 75 ans, et jusqu’à 100 ans en cas de mineur impliqué. Cette obligation de conservation soulève des problématiques de stockage et de gestion documentaire complexes pour les notaires, qui doivent faire face à des volumes considérables d’archives à stocker et à gérer, tout en respectant les normes de conservation et de confidentialité.
Les pratiques actuelles de gestion des archives chez les notaires :
La Reliure : pour limiter l’espace occupé par les archives et pour les notaires qui n’aiment pas se dessaisir de leurs archives papier, l’option consistant à les relier pour en faire des livres apportent beaucoup d’avantages : meilleure conservation, élégance naturelle d’un livre, personnalisation (toile, couleurs etc.) mais surtout en gain de place conséquent (de 20 à 30% par rapport aux traditionnels boîtes à archives, classeurs etc.).
La GED : la profession a été pionnière dans l’adoption des nouvelles technologies et notamment de la Gestion Electronique des Documents (GED) pour numériser, indexer et stocker leurs documents papiers.
Internalisée dans un premier temps, de plus en plus d’études notariales sous traitent aujourd’hui cette tâche à des prestataires spécialisés dans la gestion de leurs archives.
Pour les accompagner dans cette démarche, le Conseil Supérieur du Notariat a créé le label “ETIK” qui certifie le respect de toutes les exigences de la charte du CSN pour un développement éthique du numérique notarial (lien vers le pdf de la charte joint à l’article).
Les entreprises ayant obtenu le label s’engagent à proposer des solutions conformes aux exigences des notaires :
– Sécurité et confidentialité
– Protection des intérêts des clients
– Information loyale, claire et transparente
– Concurrence saine et loyale
– Respect du cadre légal et réglementaire
– Cybersécurité
Une accélération digitale en partie due à la crise du Covid
Comme dans la plupart des secteurs d’activité, la crise sanitaire a généré des changements, notamment liés au numérique. Encore une fois les notaires ont su s’adapter et mettre en place des solutions pour non seulement se prémunir d’une baisse d’activité, mais réinventer leur métier.
Une ouverture plus large au digital
Comme nous venons de le voir, très rapidement les notaires ont compris l’apport de la numérisation puis du digital dans leurs métiers.
Les avantages étaient évidents et immédiats. Ils allaient changer en profondeur leur façon de travailler.
Cependant, l’ensemble de ces nouveaux dispositifs, process, outils et autres avantages doivent s’inscrire dans une démarche plus globale de digitalisation de l’étude notariale dans laquelle la gestion des archives ne représente qu’un maillon de la chaîne.
Parmi ces dispositifs :
– Réduction / suppression du stockage physique
– Sécurisation les actes
– Optimisation les échanges
– Acte Authentification Electronique (AAE) et clé Real
– Simplification des procédures
– Signature électronique
– Coffre-fort électronique
– Visioconférence
– Nouveaux outils
– Collaboratif
– Travail à distance
– Meilleure expérience client
– Meilleure productivité, efficacité…
Les perspectives futures : IA, Blockchain, Quantique
Contrairement à ce que l’on pourrait penser au travers de cet article, le phénomène de dématérialisation, numérisation ou encore digitalisation n’en est encore qu’à ses débuts. Les nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle, la blockchain et demain le quantique, joueront un rôle clé dans l’évolution de leur métier.
L’impact de l’intelligence artificielle sur la gestion des archives chez les notaires
Définition : L’intelligence artificielle est une technologie qui implique qu’un programme, ou un algorithme, puisse apprendre à partir de schémas d’interactions récurrents. En d’autres termes, si les utilisateurs réagissent de manière identique face à une situation donnée, le programme est capable de retenir cette réaction. On parle ici de “Modèles” d’IA.
Qu’en pensent les notaires :
Selon une étude Notariat 2000
– 84 % des notaires pensent que l’intelligence artificielle va améliorer la productivité dans les études;
– 80 % du panel pensent que le notaire aura toujours sa place dans l’univers dominé par l’IA mais
– 72 % d’entre eux pensent que le notariat est menacé par l’IA
Leur crainte ne repose pas sur le risque de perdre leur travail mais celui d’une dégradation et d’une standardisation de la qualité de service, l’IA étant, à ce jour, dépourvue de psychologie et encore limitée pour s’adapter à chaque situation.
Cela dit, et tout comme pour l’adoption des nouvelles technologies, les notaires sont plus de 93% à vouloir se former dont 69% d’entre eux à travailler avec “une machine”.
En ce qui concerne l’impact sur la gestion des archives , il est clair que l’IA permettra de traiter de très grandes quantités de données, d’en extraire des informations, de faciliter l’indexation et d’automatiser un grand nombre de tâches à faible valeur ajoutée.
La blockchain comme solution de sécurisation et de traçabilité des actes notariés
La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, qui permet de sécuriser les transactions en garantissant l’authenticité et l’intégrité des données échangées. Dans le domaine de la gestion des archives, la blockchain peut être utilisée pour garantir la traçabilité des actes notariés, depuis leur création jusqu’à leur archivage.
En effet, la blockchain permet de créer des registres distribués et sécurisés, où chaque acte notarié peut être enregistré de manière infalsifiable. Les informations contenues dans la blockchain sont cryptées et ne peuvent être modifiées sans le consentement de toutes les parties prenantes. Ainsi, la blockchain offre une solution de sécurisation et de traçabilité des actes notariés qui peut contribuer à renforcer la confiance des clients dans les services proposés par les notaires.
Vers la disparition du notaire ? Bien au contraire…
Tout comme l’arrivée de l’Internet dans les années 2000 puis des nombreux services dématérialisés évoqués dans cet article, les notaires ont toujours su tirer parti de ces innovations en les transformant en de véritables opportunités. La Blockchain n’échappera pas à cette règle.
Stéphane Adler (vice-président de la Chambre des notaires de Paris) en est convaincu. Extrait :
“On lit actuellement beaucoup de choses sur la blockchain qui, pour la plupart, ne sont pas exactes. Beaucoup de titres évoquent notamment la disparition du notaire. C’est bien loin d’être le cas. Mieux je connais ce sujet, plus je suis rassuré. Au contraire, le notariat doit s’emparer de la blockchain pour proposer à nos clients des services complémentaires. C’est l’orientation que nous avons prise. Je pense également que la blockchain notariale est assortie d’un gros avantage de sécurité, eu égard à notre statut d’officier ministériel et donc d’opérateur de confiance, qui rassurera forcément les clients”.
Article complet sous ce lien (usages de la blockchain chez les notaires et expérimentations en cours)
Les autres innovations technologiques au service de la gestion des archives chez les notaires
Outre l’IA et la blockchain, d’autres innovations technologiques peuvent être utilisées pour améliorer la gestion des archives chez les notaires.
Par exemple, la réalité augmentée peut être utilisée pour faciliter l’archivage et la consultation des documents; les solutions de reconnaissance vocale peuvent également être utilisées pour faciliter la rédaction des actes notariés ou la recherche de documents.
Mais gardons “le meilleur” pour la fin avec l’arrivée prochaine (entre 5 et 10 ans), de l’informatique quantique, déjà considérée comme la 5ème révolution industrielle.
Petit rappel : Pour l’organisme européen, la 4ème révolution industrielle marque une étape radicale vers une économie entièrement guidée par les données. De manière très générale, la “4RI” désigne les technologies de l’information et de la communication. L’Internet des Objets (IoT), le big data, la 5G ou encore l’Intelligence Artificielle (IA) sont considérés comme des technologies de la 4ème révolution industrielle.
Nous ne développerons pas le sujet de l’informatique quantique dans cet article mais nous contenterons de souligner l’importance de s’intéresser dès maintenant au sujet. La rupture à venir se traduira par de nouveaux outils, de nouvelles méthodes de travail, nouvelles compétences, nouveaux usages, nouvelles manière de penser, tous encore inconnus à ce jour.
La gestion des archives, l’authentification, la signature électronique … tous les sujets dont nous venons de parler s’en trouveront fortement impactés.
Gardons toujours à l’esprit les trop nombreuses entreprises qui ont disparu faute de s’être adaptées suffisamment tôt et gageons qu’encore une fois, la profession saura anticiper l’arrivée de ce tsunami.
Conclusion
La gestion des archives est un enjeu majeur pour les notaires, qui sont soumis à des contraintes réglementaires strictes en la matière. La numérisation des archives apporte de nombreux avantages, tels que la réduction des coûts de stockage, l’amélioration de l’accessibilité des archives, ainsi que la facilitation de la recherche et du traitement de données. Les solutions techniques pour la numérisation des archives sont aujourd’hui matures et accessibles pour les notaires.
Les perspectives futures de la gestion des archives chez les notaires sont fortement liées aux innovations technologiques. L’intelligence artificielle offre des perspectives intéressantes pour l’automatisation de tâches et l’amélioration de la qualité de l’analyse de données. La blockchain, quant à elle, apporte une solution de traçabilité et de sécurisation des actes notariés.
Dans ce contexte, il est important pour les notaires de continuer à s’adapter aux évolutions technologiques et d’adopter des solutions innovantes pour la gestion de leurs archives et de l’ensemble de leurs activités. Cela permettra non seulement de répondre aux contraintes réglementaires, mais aussi d’améliorer l’efficacité et la qualité des services proposés aux clients.
Sources :
* https://www.csn.notaires.fr/fr/les-chiffres-cles-du-notariat
Notariat et numérique. Le cybernotaire au cœur de la république numérique. – IERDJ (gip-ierdj.fr)
https://notaires21.fr/le-numerique-une-technologie-qui-a-fait-evoluer-le-metier-des-notaires
https://www.affiches-parisiennes.com/stephane-adler-la-blockchain-des-notaires-apportera-la-tracabilite-et-la-securisation-a-nos-clients-9393.html